News Feature Interview : Le Professeur Bart Van Meerbeek parle du passé, du présent et de l’avenir de la dentisterie adhésive. En tant que co-rédacteur en chef du magazine spécialisé Journal of Adhesive Dentistry, le prof. Bart Van Meerbeek fait clairement autorité dans le domaine des produits d'adhésion dentaire. Dans cet article, il évoque comment ces produits ont été améliorés au cours des dernières décennies et comment l'avenir de la dentisterie adhésive pourrait continuer d'évoluer. Professeur Van Meerbeek, de quelle manière les produits d'adhésion ont-ils changés et ont été améliorés depuis que vous avez commencé la recherche ? Les immenses avancées de la technologie d'adhésion dentaire - et en particulier par rapport aux produits d'adhésion - au cours des trente dernières années ont eu selon moi un effet considérable sur la dentisterie et surtout sur la restauration dentaire. De nos jours, de nombreuses procédures de restauration dentaire utilisent des techniques et des matériaux adhésifs qui se sont considérablement améliorés par rapport à l'époque - il y a plus de deux décennies - où j'ai rédigé ma thèse sur l'adhésion à la dentine. L'adhésion à l'émail est bien sûr relativement facile par rapport à l'adhésion à la dentine et lorsque j'ai commencé à faire des recherches sur ce sujet, je me suis limité à mener des essais cliniques. Dans ce contexte, nous avons été confrontés à un nombre relativement important de pertes dans un court laps de temps après la restauration. Cela fait maintenant près de trente ans que je fais des recherches dans ce domaine et je me félicite d'avoir pu être le témoin des rapides progrès dans les techniques d'adhésion dentaire. À un moment donné, le monde de la recherche est parvenu à la conclusion qu'il existe une couche graisseuse intermédiaire, qui est formée par la préparation de la cavité, et que cette couche affecte le processus d'adhésion. Si vous voulez obtenir une adhésion micromécanique et chimique réussie sur le substrat, vous devez d'abord intervenir au niveau de cette couche graisseuse. Ensuite, nous sommes entrés dans l'ère des conditioners et primers. Par le passé, ceux qui pratiquaient des restaurations étaient un peu réticents à utiliser l’acide phosphorique en raison du risque d'irritation de la pulpe. Cependant, les professionnels dentaires utilisaient de plus en plus d'agents de mordançage contenant ce composant chimique et d'apprêts ou primers, ce qui favorisait efficacement l'adhésion de la résine adhésive à la dentine. Bien que les laboratoires dentaires obtenaient d'excellents résultats avec des adhésifs en plusieurs étapes (comme l'a confirmé la recherche clinique par la suite), le développement et l'amélioration continus des matériaux adhésifs ont fait que l'on se concentrait davantage sur la simplification des procédures d'adhésion et la réduction des durées. Ainsi, deux adhésifs se sont détachés, avec deux méthodes d'adhésion différentes, à savoir les adhésifs de mordançage et rinçage et les adhésifs d'auto-mordançage ou de mordançage et de séchage. Grâce à la dernière génération d'adhésifs universels, les professionnels peuvent désormais choisir laquelle des deux méthodes d'adhésion ils veulent utiliser pour un traitement donné. Quels sont les avantages des restaurations adhésives par rapport à des méthodes plus traditionnelles ? Les restaurations adhésives sont très peu invasives ; le dentiste n'a pas besoin d'éliminer du tissu dentaire sain pour que les contre-dépouilles maintiennent la restauration en place. On peut ainsi travailler de manière plus conservatrice. La conservation optimale de l'émail doit primer dans chaque traitement de restauration étant donné que c'est le meilleur tissu pour l'adhésion. Bien que l'adhésion de la dentine ait toujours été plus délicate et qu'elle ait retardé nos efforts pendant longtemps, les dents peuvent maintenant être restaurées de manière fiable, prévisible et durable, y compris l'adhésion efficace à la dentine. Les restaurations dentaires autonomes ont augmenté de manière significative, de même que les implants extrêmement réussis de manière à remplacer les dents manquantes, réduisant ainsi la nécessité de mettre en place des bridges. L'adhésion a stimulé la transition accessoire des couronnes conventionnelles invasives aux restaurations partielles épargnant le tissu car les adhésifs actuels sont capables de maintenir en place de telles restaurations partielles sur des surfaces relativement plates et même sans rétention. En outre, les techniques d'adhésion permettent de réaliser des restaurations à l'aspect plus naturel. Grâce à la technologie d'adhésion, on peut réaliser des restaurations esthétiques en vitrocéramique, voire en céramique de zirconium très solide, que l'on ne peut plus considérer comme non-adhésives. Que pensez-vous de l'actuelle génération de solutions adhésives universelles ? Je pense qu'elle est très bien, mais les solutions ne sont tout de même pas toujours aussi bonnes que les adhésifs d'auto-mordançage en deux étapes et de mordançage et rinçage en trois étapes, plus traditionnels, lorsqu'on examine la capacité intrinsèque de liaison aux tissus dentaires. Toutefois, je considère comme un point positif le fait que nombre de ces adhésifs universels contiennent le monomère 10-MDP, qui devrait être considéré comme l'un des meilleurs monomères fonctionnels actuellement disponibles, bien qu'un niveau élevé de concentration et de pureté soit requis. D'une manière générale, le monomère 10-MDP adhère aussi de manière excellente au zirconium. Lorsqu'il s'agit d'adhésion avec différents types de céramiques et de composites de restauration à base de résine, il est toujours utile de savoir quels adhésifs universels contiennent du silane et ne nécessitent aucun traitement supplémentaire de la restauration. Les avantages en sont donc une moindre sensibilité à la technique et moins d'étapes de traitement, à condition bien sûr que cela fonctionne. Toutefois, à l'heure actuelle, il existe des preuves scientifiques que le silane utilisé dans les adhésifs universels acides et aqueux n'est pas suffisamment stable. Heureusement, des recherches sont en cours pour mettre au point de nouveaux adhésifs universels contenant d'autres silanes, plus stables à l'eau et plus acides. Dans l'ensemble, je pense qu'un primer de restauration à forte concentration en silane, associé au 10-MDP, est encore plus efficace qu'un grand nombre d'adhésifs universels pour l'adhésion des matériaux de restauration. Ces adhésifs universels peuvent en effet contenir d'autres composants qui créent une sorte de concurrence à l'intérieur du matériau en termes d'atteinte et d'interaction avec la surface du substrat, ce qui conduit à une adhésion moins forte. Un autre défaut des adhésifs universels est leur faible épaisseur de film et leur hydrophilie relativement élevée, laquelle favorise l'absorption d'eau et les rend sensibles à la dégradation hydrolytique. Dans ce contexte, il convient aussi de noter que l'application d'un composite hydrophobe liquide à base de viscose sur un adhésif universel peut compenser ce problème dans une certaine mesure, tout en permettant une adhésion durable. Le monomère 10-MDP est-il crucial pour le succès final des adhésifs universels ? Y a-t-il d'autres facteurs d’influence ? Quoi qu'il en soit, il est tout à fait clair que le monomère 10-MDP est l'un des monomères les plus efficaces en raison de sa capacité chimique primaire à adhérer à l'hydroxyapatite. Toutefois, il existe des différences significatives entre les produits en termes de pureté et de concentration de 10-MDP, et ces facteurs dépendent du fait que le monomère est assemblé par le fabricant lui-même ou est produit ailleurs. En principe, un adhésif universel contenant une concentration élevée de monomère 10-MDP de haute pureté devrait fournir les meilleures performances. Les adhésifs d'auto-mordançage présentent-ils des avantages spécifiques ? L'avantage principal est que ces adhésifs n'éliminent pas tous les minéraux et l'hydroxyapatite de la dentine, de sorte que le collagène, plus faible, est préservé. Le mordançage à l'acide phosphorique entraîne une déminéralisation relativement profonde et complète, qui expose également le collagène, rendant l'adhésion plus sensible à la dégradation. La préservation partielle des minéraux autour du collagène avec l'application d'un adhésif d'auto-mordançage doux entraîne également la formation d'une forte liaison ionique, surtout si l'adhésif contient le monomère fonctionnel 10-MDP. En outre, nous devons bien comprendre que l'adhésion chimique ne conduit pas nécessairement à une adhésion plus forte, mais qu'elle peut assurer une meilleure durabilité de l'adhésion à plus long terme. Quelle sera, à votre avis, la prochaine étape au sein de la dentisterie adhésive ? Le nombre d'étapes du processus d'adhésion pourra peut-être être réduit dans le but d'assurer au final la disponibilité des matériaux de restauration auto-adhésifs. Il y a des développements dans ce sens (recherche et produits commerciaux), mais ces produits ne se sont pas toujours avérés être particulièrement efficaces et la durabilité des adhésions n'est pas établie. Toutefois, on met actuellement sur le marché des matériaux encore plus récents qui, selon les fabricants, peuvent être utilisés sans le moindre pré-traitement. Cependant, l'efficacité clinique doit encore être prouvée et garantie avant que ces matériaux de restauration auto-adhésifs puissent être utilisés au quotidien dans les cabinets dentaires comme de véritables alternatives aux amalgames. Une autre possibilité - la R&D sont en pleine ébullition en ce moment - est le développement d'adhésifs bioactifs. De nombreux chercheurs dentaires, mais aussi des fabricants, veulent que les adhésifs soient non seulement performants pour l'adhésion, mais aussi qu'ils offrent certains avantages thérapeutiques. La définition exacte d'un adhésif bioactif dépend de l'interlocuteur. Selon certains chercheurs, celui-ci doit avoir des propriétés antibactériennes, d'autres, en revanche, affirment que la reminéralisation de la dentine et l'interaction des cellules pulpaires sont nécessaires pour qualifier un adhésif de « bioactif ». Nous devons certainement examiner s'il est possible de doter ces matériaux de ces propriétés supplémentaires, mais à une condition, à savoir que le matériau adhésif ne perde aucune de ses capacités initiales en termes d'adhésion. À mon avis, c'est là que réside le plus grand défi pour l'avenir de la dentiste 22 juin 2020 Interview Bart van Meerbeek adhésive